La tête dans les étoiles

Cette nuit, l’expression « avoir la tête dans les étoiles » a pris tout son sens pour moi. A 3h du matin, quasiment à la fin de mon cycle de sommeil, j’ouvre mes yeux et tire le rideau de la fenêtre contre laquelle est collée ma tête de lit. Mes yeux s’écarquillent sans peine devant le spectacle s’offrant à moi : un ciel inondé d’étoiles scintillantes. L’envie me prend soudain de sortir du lit pour admirer le spectacle de l’extérieur. Hésitant quelques minutes, bien emmitouflé dans mon sac de couchage, je me décide à profiter de ce moment et à subir le froid au sortir du lit, enfilant mes vêtements gelés et me couvrant du mieux afin d’affronter la température négative extérieure – qui est approximativement la même que celle à l’intérieur de la chambre.

Me voici à 3h du matin, à 50 mètres du lodge dans une nuit sombre que seule ma torche frontale peut affronter, avec un vent glacial frappant les drapeaux de prières derrière moi, seul activité sonore. J’affronte les éléments pour en garder le meilleur : un spectacle extraordinaire avec des étoiles par milliers ou dizaines de milliers et des sommets enneigés dont la blancheur immaculée est perceptible et ressort à merveille, lorsque l’œil s’habitue peu à peu à la semi-obscurité, la lune n’étant d’aucune aide ce soir pour apporter davantage de lumière.

Quelques étoiles filantes viennent compléter le tableau à l’esthétique parfaite. Je savoure ce moment pendant que tout le village semble plongé dans un profond sommeil. Mon corps ne supportant qu’une dizaine de minutes le froid himalayen, je me résous à plonger de nouveau dans mon sac de couchage, le bonnet vissé sur la tête, pour les quelques heures de nuits restantes et tente d’approcher d’encore plus près les étoiles, cette fois dans mes rêves.

De la vallée du Langtang à la vallée de Langisha Karka

Kyanjin Gompa est l’étape la plus haute du trek de la vallée du Langtang. Arrivés ici après trois jours de marche, les trekkeurs ont plusieurs options : prendre un peu de repos pour s’acclimater aux 3870 mètres et récupérer des trois premiers jours d’efforts, redescendre dès le lendemain, ou approcher d’encore plus près les hautes montagnes avec plusieurs itinéraires de marche sur une journée. C’est ce que nous choisissons et nous partons ainsi aujourd’hui à la découverte de la vallée de Langisha Karka, qui récompense les marcheurs d’un magnifique panorama, selon les dires.

L’avantage des marches sur une journée est de pouvoir laisser son sac dans la chambre pour n’emporter que l’essentiel pour la journée. Une longue marche nous attend, nous sommes donc sur la route dès 7h. Le dénivelé du jour sera faible car nous allons restés dans la vallée jusqu’à une crête assez lointaine, que nous devrons grimper pour pouvoir admirer la seconde vallée qui se présentera à nous, celle de Langisha Karka.

Nous commençons donc par traverser la rivière puis contourner une montagne avant de nous enfoncer dans la vallée. Les premières montagnes que nous longeons ont une aspérité rocheuse et ne sont pas recouvertes de neige. Il est étonnant que la neige ici ne soit présente qu’à partir de 4 500-5 000 mètres.

Léopard des neiges y est-tu ?

L’environnement dans lequel nous évoluons est l’habitat idéal des léopards des neiges. Cet animal s’apparente à un mythe tant il est rare et difficile à apercevoir. Le léopard des neiges vit sur des parois escarpées, à une haute altitude où le froid est omniprésent, et est aidé dans son camouflage par un pelage en parfaite adéquation avec son environnement. Avec la rivière en contrebas, des yaks qui paissent, dont les petits sont la cible privilégiée des félins, et des formations rocheuses abruptes, l’endroit semble idéal comme habitat pour l’animal qui se fait presque aussi rare que le Yéti, mais la présence de quelques randonneurs quotidiens doit forcer le félin à se retrancher de l’autre versant de la montagne.

Aux frontières du Tibet

Le paysage traversé est d’une splendeur époustouflante : quelques pics enneigés entre 6000 et 7000 mètres, une plaine semi-herbeuse où paissent des yaks et des chevaux, des petites rivières à moitié gelées et un soleil qui englobe le tout pour nous offrir un peu de chaleur.

Après avoir pris notre temps durant une bonne partie de la marche, nous commençons à réaliser la distance qu’il nous reste à parcourir avant de parvenir à notre objectif : la lointaine crête terminant la vallée, que nous devrons grimper pour obtenir la vue sur Langisha Karka. La montagne, comme tous les éléments puissants de notre planète, est aussi majestueuse et magnifique qu’elle peut être dangereuse. La nuit tombe ici très vite et est souvent précédée de la montée de la brume venant d’une altitude bien plus basse. Il est donc préférable d’être de retour au village vers 15h, maximum. Nous forçons donc le pas et diminuons les pauses photos.

Enfin arrivés aux pieds de la crête, nous devons franchir la rivière sur un pont brinquebalant tenant uniquement avec des grosses pierres avant de terminer par un rude effort, une montée assez abrupte qui nous dévoile enfin le large panorama sur la nouvelle vallée, dont une partie se trouve en territoire tibétain. Les montagnes sont ici monstrueuses, avec près de 7 000 mètres de hauteur !

Le vente glacial et l’heure qui tourne ne nous feront rester qu’un quart d’heure avant de rebrousser chemin à une vive allure afin de ne pas être piégés par la brume.

C’est finalement sans encombre que nous arrivons à Kyanjin Gompa, fatigués après une longue marche de 8 heures, mais les yeux et les cartes mémoires des appareils photos pleines de souvenirs.

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